secrets
Lorsqu'il était arrivé, les gens du village l'avaient bien accueilli. Faut dire qu'il était discret, aimable, jamais un mot plus haut que l'autre.
- bien poli, le nouveau bibliothécaire.
- oh oui, et pour un gars de la ville, pas fier du tout. Un petit mot gentil par ci, un sourire par là.
- et plutôt beau garçon avec ça! Il doit en faire tourner des têtes...
C'est vrai qu'il était particulièrement séduisant, ce beau jeune homme blond. Les demoiselles se pressaient pour rendre leurs livres, lui demander un conseil, un avis... toutes espéraient, un regard, une invitation à poursuivre. Mais le bibliothécaire restait insensible à leur manège et à leur tentative de séduction ... 18 heures tapantes, il fermait la boutique et se précipitait chez lui … bizarre quand même !
- Peut-être qu'il n'aime pas les femmes ?
- Ah, ben si, qu'il les aime, même que ça fait trois soirs de suite, qu'une ravissante créature sort de chez lui … une splendeur, cette femme, et une voix rauque, envoûtante … oui oui, elle m'a dit bonsoir !
- Vous êtes sûre ?
- Sûre ! très grande, maquillée, longue chevelure brune, talons aiguilles, vêtements de prix, élégante ... une dame quoi, avec un grand D... elle lui emprunte sa voiture en partant … et elle revient chez lui, très tôt, le lendemain matin ! …
- Mais, qui est-ce ? d'où vient-elle ? Et que fait-elle toute la journée ?
- Mystère
- Ben ça alors ! … il cache bien son jeu celui-là ! Il fait le prude avec nous et s'encanaille avec sa dulcinée … faut pas se fier aux apparences !
Le village s'était habitué, au fil du temps, à l'étrange manège de la belle inconnue, mais n'osait pas interroger le principal intéressé qui restait toujours aussi discret.
Quelques mois plus tard, c'est le facteur qui avait donné l'alerte.
Etonné de ne pas avoir de réponse au coup frappé à la porte, il était entré dans la maison du bibliothécaire et l'avait trouvé étendu sur son lit, une bouteille de whisky vide et trois tubes de somnifères près de lui …
- Suicide, avaient conclu les gendarmes.
Sur une chaise, à côté du lit, ils avaient remarqué, soigneusement pliés, une jupe, un corsage, des bas de soie et de la lingerie en dentelle … étaient là aussi, les talons aiguilles et, sur le montant du lit, une magnifique perruque brune …
… dans l'air, flottait encore, les effluves d'un parfum coûteux.